Rencontre avec Alexandra Pierquin, cavalière et ostéopathe équin et canin
Alexandra Pierquin : « J’ai vécu pendant 12 ans dans un centre équestre qui appartenait à l’ami de ma mère. Là, j’y recevait le magazine « L’Echo des Poneys », je lisais les exploits des Champions de France et je me suis dit : « Je veux faire ça! ». J’ai donc commencé les concours à poney, d’abord en CSO la première année. Arrivée à Lamotte-Beuvron, j’ai vu les cavaliers sur le cross et ça m’a captivé. L’année suivante, j’ai donc dévié vers le Complet, que je n’ai plus quitté depuis. J’ai toujours été la seule de l’écurie à faire du complet, donc j’ai travaillé avec différents entraîneurs, notamment beaucoup avec Bruno Bouvier, qui me suit encore de temps en temps en concours. »
Et pour l’ostéopathie?
AP : « Depuis toute petite, je voulais travailler dans les chevaux, mais tout le monde me le déconseillait. Un jour, une femme ostéopathe est venu manipuler mon poney qui était complètement bloqué. Cela m’a permis de me rendre compte que ce domaine n’était pas fermé aux femmes. Je me suis donc renseigné un peu plus sur ce métier, car il y a encore 10 ans, ce n’était pas très connu. J’étais fascinée par l’idée de soigner avec les mains. Encore aujourd’hui, je trouve ça magique, même si derrière je sais qu’il y a un fonctionnement très logique. »
Justement, comment ça fonctionne exactement?
AP : « En réalité, il s’agit rarement de remettre en place une vertèbre, comme on le croit souvent. La plupart du temps, les chevaux souffrent d’un blocage articulaire mais cela ne se voit pas sur une radiographie car le blocage ne va pas jusqu’à la luxation. Pour les atteindre, on passe le plus souvent par les membres, qui sont comme de grand bras de levier pour nous. Cela nous permet de ne pas avoir besoin de beaucoup de force. Par exemple, les postérieurs peuvent nous permettre d’agir sur les lombaires. Cela s’appelle de l’ostéopathie structurelle, technique qu’utilise à peu près 90% des ostéopathes actuels. Mais je m’intéresse de plus en plus à l’ostéopathie fluidique, qui pour moi est complémentaire de la structurelle. Il s’agit d’une autre technique qui agit sur les organes internes, le MRP (Mouvement Respiratoire Primaire) et les micro-mouvements. On l’apprend dans les écoles d’ostéopathie humaine mais pas encore pour les chevaux. »
Sur quel type de chevaux travaillez-vous?
AP : « Le plus souvent, je travaille avec des chevaux de course et des chevaux de CSO. Plus rarement avec des chevaux de complet, car la plupart des cavaliers de complet sont encore de la vieille école et ne croient pas aux vertus de l’ostéopathie! J’ai par contre de plus en plus de chevaux de club et de loisir. »
Est-ce que les pathologies diffèrent selon les disciplines pratiquées?
AP : « Pour les chevaux de sport et de course, le dos et l’arrière-main sont très sollicités, on retrouve donc souvent des douleurs au niveau du bassin et des lombaires. Chez les jeunes chevaux, qui fournissent des efforts pendant leur croissance, ce sont surtout des douleurs au niveau du garrot. J’ai eu l’occasion de voir des chevaux de polo aussi, pendant ma formation. Les joueurs de polo ne sont pas très soigneux avec leurs chevaux : l’échauffement est généralement très bref et l’entraînement très intense. Les pathologies sont donc très nombreuses chez ces chevaux et à tous les niveaux. Je m’occupe aussi souvent des chiens qui font de la compétition : ils ont généralement le même type de pathologie qu’un cheval de complet, car ils fournissent à peu près les mêmes efforts. »
Et y a-t-il un type de cheval plus facile à manipuler?
AP : « Les chevaux de course, sans hésiter! Surtout les courses de plat, les chevaux sont la plupart du temps petit et fin, ils sont donc plus léger et plus réactifs. Et généralement ils se laissent bien faire. D’ailleurs, il est très rare qu’un cheval ne soit pas coopératif. Malgré ma taille et ma force, j’arrive à manipuler à peu près n’importe quel cheval. »
Pouvez-vous vivre de votre métier?
AP : « Aujourd’hui, je peux dire que oui. Mais je n’hésite pas à me déplacer, même pour un seul cheval. C’est comme ça que j’ai pu me constituer une clientèle. Au début on se déplace pour un cheval, puis avec le bouche à oreille, le nombre de chevaux augmente progressivement. Quand j’ai commencé, les gens avaient des réticences à me demander car j’étais jeune et ils avaient surtout peur d’un manque d’expérience. Petit à petit, ils m’ont accepté car ils ont vu des résultats positifs sur leurs chevaux. Pour les chiens, c’était plus facile car il y a beaucoup moins de concurrence. »
Avez-vous le temps de vous occuper de vos propres chevaux?
AP : « Oui, l’avantage est que j’organise mon emploi du temps à ma guise. En général, je monte mes chevaux le matin et je travaille l’après-midi. Cela donne des journées bien remplies, mais le fait d’habiter à 2 minutes des écuries me facilite la vie. Et jusque là je me suis toujours arrangée pour pouvoir faire les concours que je voulais. Concernant l’ostéopathie, je les contrôle assez souvent en passant ma main sur leur dos pour voir si tout va bien, mais je n’en fais pas non plus une obsession. Grâce à ça, j’ai finalement assez peu besoin de les manipuler complètement car dès qu’il y a un petit quelque chose qui ne va pas, je le règle tout de suite. »
Propos recueillis par Hedwige Favre