Le rôle du vétérinaire d’équipe
Xavier Goupil, Dr vétérinaire à l’IFCE, est le vétérinaire de l’équipe de France de Concours Complet depuis 1989. Il a donc connu trois entraîneurs différents (JP. Bardinet, T. Touzaint et L. Bousquet) et des méthodes d’entraînement très variées. En quoi son travail est-il différent d’il y a 20 ans ? Quel est son rôle aujourd’hui ? Comment intervient-il dans la préparation et la sélection des chevaux ?… C’est ce qu’il va nous expliquer ici.
Comment a évolué la préparation des chevaux depuis vos débuts en tant que vétérinaire fédéral ?
« Aujourd’hui, les moyens d’investigations sont plus performants, pour établir un diagnostic par exemple. Les cavaliers avaient heureusement suffisamment de savoir-faire à l’époque pour que les chevaux arrivent quand même dans de bonnes conditions le jour de la compétition !
Le suivi est aussi beaucoup plus fréquent aujourd’hui. Avant la mise en place des formats courts, les chevaux couraient généralement une fois en début de saison et une fois en fin de saison. Aujourd’hui, un cheval de haut niveau court entre 5 et 7 fois par an. Il est donc normal que je leur consacre beaucoup plus de temps.
Les méthodes de préparation ont aussi évolué : il y a eu les fractionnés à des vitesses très élevées, les galops lents et longs… Depuis une dizaine d’années, on travaille sur un modèle standardisé qui consiste à les faire galoper sur un sol profond en continu (mais moins longtemps que ce qui a pu se faire précédemment) à une vitesse un peu plus soutenue. »
Quelles sont vos fonctions aujourd’hui ?
« Mon rôle principal est d’avoir la meilleure connaissance possible du potentiel sportif d’un cheval en vue d’affiner sa préparation et d’être le plus précis possible sur les risques que comportent tel ou tel cheval pour que les chevaux sélectionnés soient le plus fiable possible. Concrètement, j’examine tous les chevaux potentiellement sélectionnables (liste A et B) en début de saison, ainsi qu’à chaque concours de haut niveau. Par exemple cette année, j’étais sur toutes les étapes du Grand National, ainsi qu’au Master Pro de Pompadour, à Badminton, Aix la Chapelle et Luhmühlen, afin d’évaluer la capacité physique des chevaux en situation de compétition intense. Après examen, je fais systématiquement un débriefing avec chaque vétérinaire traitant. »
Quelle est la part accordée à ce poste dans votre emploi du temps ?
« Je ne pourrai pas le dire précisément car ça se fond dans mon activité globale. C’est toutefois plus soutenu pendant les stages d’hiver et de préparation. Et forcément, mes week-end sont généralement assez chargés, puisque les compétitions représentent environ 40 jours par an. »
Vos interventions augmentent-elles pendant la préparation d’une échéance ?
« Pendant les 15 jours de préparation, je vois les chevaux toutes les 48h environ. Je fais un check-up complet de chaque cheval en début de préparation. Mon attention est particulièrement portée sur l’appareil locomoteur et respiratoire. Les prises de sang sont aussi très fréquentes. On prend la température des chevaux matin et soir et on surveille et adapte l’alimentation et les compléments alimentaires. Un de mes rôles est d’ailleurs de vérifier auprès des fabricants les délais des compléments alimentaires afin que les chevaux ne soient pas positif au test anti-dopage.
Je participe également à l’élaboration du programme d’entraînement avec Laurent Bousquet, notamment pour la mise en place des galops, leur intensité, etc. Lors d’un galop, j’intensifie mes interventions : je vois les chevaux la veille, le matin du galop, 2h après et le lendemain. L’objectif est de pouvoir détecter la moindre raideur, la moindre sensibilité, afin de pouvoir anticiper tout problème éventuel.
Pendant le stage de préparation, une journée est consacrée à la maréchalerie, environ 10 jours avant le cross de la compétition. Les maréchaux-ferrants de chaque cheval viennent à Saumur et échangent avec David Le Corre, le maréchal fédéral. En général, il y a peu de modifications sur la ferrure du cheval, mais il arrive qu’on demande des petites corrections. »
Et pendant la compétition ?
« J’accompagne tout d’abord les chevaux pendant le transport afin de surveiller leurs réactions. Il arrive que les chevaux attrapent le « mal des transports ». En effet, un cheval très entraîné devient souvent plus sensible et tout peut être sujet à problème, même les courants d’air dans le camion ! Et à l’arrivée, je dois me présenter auprès du vétérinaire du concours. Après, je continue à surveiller les chevaux mais la surveillance maximale intervient pendant la préparation. »
Par exemple lorsque Minos de Petra est tombé à Luhmühlen, quelle a été votre première réaction ?
« J’ai tout de suite fait un bilan locomoteur minutieux. Il faut savoir que dès qu’un cheval tombe, le vétérinaire est obligé de rendre dans les heures qui suivent un compte-rendu détaillé et argumenté de l’état du cheval. Si l’équipe n’a pas de vétérinaire, c’est celui de la FEI qui pratique l’examen. En l’occurrence, Minos n’avait rien donc il n’y a pas eu de suite. »
Qu’en est-il de Must des Surreaux, qui n’avait pas été présenté à la deuxième inspection ?
« Must présentait une sensibilité mais ce n’est rien de très grave. Nous le reverrons comme les autres la saison prochaine. »
On imagine que les relations avec les cavaliers sont très importantes. Est-ce que ça se passe toujours bien ?
« A une ou deux exceptions près, cet aspect là est plutôt facile ! Il faut dire que le Complet est une discipline d’hommes de chevaux. Les cavaliers sont très professionnels, très attentifs à la santé de leurs chevaux. C’est ce qui me plaît particulièrement dans cette discipline, ce n’est peut-être pas comme ça pour certaines autres…
En tout cas, j’ai des contacts téléphoniques très fréquents avec les cavaliers qui m’appellent pour des questions diverses et variées. D’ailleurs, plus je suis proche d’eux, mieux c’est. Je suis sans cesse à la recherche d’informations, de confidences, etc. car plus je suis informé, mieux je peux gérer les problèmes des chevaux. Parce qu’il faut bien se dire que tous les chevaux de haut niveau présentent des facteurs limitants, mais ils ne sont pas forcément un problème tant qu’ils sont bien gérés. La notion de staff est aussi très importante. Il faut être en phase avec l’entraîneur national pour faire du bon boulot ! »
Propos recueillis par Hedwige Favre