Michael Jung – le plus grand cavalier de tous les temps ?
Décidément, il est fort ce Christopher Hector ! Après son excellente saga sur les raisons du succès des complétistes Français que les élèves du Master Rédacteur/Traducteur UBO à l’Université de Bretagne Occidentale avaient traduite, un autre article de sa plume a attiré notre attention…
« Michael Jung a sans aucun doute monté d’un cran le niveau en concours complet. Il a prouvé, encore et encore, avec différents chevaux, qu’il domine le complet moderne. Il est brillant en dressage, magnifique en cross et exceptionnel à l’obstacle.
J’ai demandé à mon camarade Jan Tönjes, qui publie la principale revue équestre allemande, St Georg, et dont le premier amour est le complet, son avis sur les raisons qui font que Michi est si spécial…
La réponse est la suivante : « il est surnaturel, c’est un dieu. Les réactions sur Twitter sur sa chute à Burghley avec Rocana et sur le tour suivant avec Sam résument tout : Après la chute, c’était : “c’est un homme fait de chair et d’os, pas un dieu, c’est bien de le savoir enfin.” Et à la suite du tour avec Sam : “Pardonnez-moi mon père, j’ai commis une erreur, je ne vénérerai nul autre que Michi.” »
« Je l’ai connu à l’époque où il n’était pas encore Super Michi, mais seulement un cavalier en pleine ascension avec autant de talent que de courage à revendre. Et à l’époque, c’était un homme qui parlait peu et faisait preuve d’une concentration intense pour son tour à venir, que ce soit une puissance, un 3* ou un quatre ans lors d’une présentation d’étalons. »
« Concernant le dressage : La chose la plus géniale que j’ai jamais faite avec Michael était une présentation d’étalons à Birkhof (Jan est très demandé comme commentateur lors des présentations d’étalons – c’est également un spécialiste de l’élevage) alors qu’il montait Grafenstolz TSF, champion du monde des jeunes chevaux de complet à ce moment. Ses parents, Brigitte et Jochen, sont entrés dans le carré les premiers avec une de ces tables hautes étroites sur lesquelles vous pouvez vous appuyer pour discuter dans un cocktail. La table était installée sur la diagonale, à environ trois foulées du coin. Il y avait une bouteille de champagne sur la table et ils tenaient deux verres à la main : ils trinquaient ensemble : santé !
« Michael qui avait galopé sur le grand côté a pris la diagonale et sauté par dessus les mains de ses parents qui tenaient les verres. Il a ensuite, sur la même diagonale, enchaîné quelque chose comme 11 (peut être 9 mais tous réussis) changements de pied au temps. On n’entendait pas un bruit dans le public. De toute évidence, les spectateurs ne croyaient pas à ce qu’ils venaient juste de voir. »
« C’est comme ça que Michael travaille les chevaux, en avant, souples, aux ordres et concentrés. Il ne les fait pas rentrer dans un moule. Il leur demande de travailler et comme il est toujours dans un équilibre parfait avec le cheval, celui-ci prend confiance, quel que soit l’effort qui arrive. Je pense que c’est ça qui est à l’origine de sa réussite exceptionnelle avec tous les types de chevaux, de la féline Roxie au grand et raide Halunke. »
Parce qu’il a monté le niveau du complet, il pose problème aux Néandertaliens de la discipline : ceux qui sont restés dans le passé et qui répètent que TROP DE DRESSAGE risque d’ANÉANTIR vos chances sur le cross. Pendant de nombreuses années, cette idée était la rengaine de Lucinda Green, visage des médias britanniques (et ancienne championne du monde).
Jan a une belle histoire qui illustre bien ça :
« Il y a quelques années, Lucinda Green a fait un article sur Michael. Julia Rau s’est occupée des photos et a récupéré Lucinda à l’aéroport de Stuttgart. Elle m’a raconté que Lucinda était très heureuse de rencontrer enfin un cavalier de complet allemand qui ne se concentrait pas trop sur le dressage et montait plutôt à l’anglaise, c.-à-d. en laissant le cheval galoper sur le cross et trouver tout seul comment gérer les difficultés au fur et à mesure qu’il les rencontre. Selon Julia, quand Michael lui a expliqué qu’il pouvait lui dire le nombre de foulées entre tous les obstacles de tous les parcours qu’il avait fait cette année, ça a été une terrible déception pour Lucinda. “Dix-sept longues, puis deux plus courtes pour m’assurer que le cheval était à l’écoute des aides avant le virage à gauche pour le fossé, ensuite 7 foulées droites jusqu’au Trakehner qui était complètement dans l’ombre et qui pouvait être en 8 si le cheval hésitait un instant.” »
L’expert attitré du Chronicle of the Horse, Jim Wofford, est également un de ces adeptes de l’ancienne école qui déplore encore la disparition de l’ancien steeple-chase, lorsque les hommes étaient des hommes et le parcours de cross était l’épreuve ultime de courage. Je pense que ses commentaires sur la dernière victoire de Michael à Lexington montrent une lecture complètement erronée de la façon de monter et de l’approche adoptée par le cavalier.
« Et puis vous avez Michael Jung qui saute à un niveau 5* et monte des Grands Prix en dressage, il arrive comme ça dans des conditions atroces, pose ses mains et dit “Ça passe ou ça casse”. Roxie relève les oreilles et lui demande “Vraiment ? Cool ; on verra bien ce qui arrive.”
« Je regardais dans le camion de production TV avec tous ces experts, et nous avons tous commencé à râler au sommet de la colline, parce que nous savions ce qu’il allait faire. Il allait réduire son chrono sur une portion de plat assez longue avec un oxer ascendant à la fin. Il espérait qu’il verrait trois obstacles de volée de suite. Et il l’a fait. S’il n’avait pas vu ces foulées, si elle n’avait pas suivi, ils seraient encore en train de ramasser les morceaux. »
Désolé M. Wofford que votre vision du complet soit un fantasme dépassé et machiste datant d’une époque révolue où le cross était un jeu de roulette russe. Pourquoi ? Parce que vous et vos semblables n’étiez pas capables de faire du dressage, vous ne pouviez pas équilibrer votre cheval ou contrôler les foulées comme le fait Michael Jung. Pourquoi ? Parce qu’il fait un travail de dressage si bon qu’il peut aider son cheval à trouver une solution viable. Ce qui fait de lui le maître du cross, ce n’est pas une démonstration de hauts faits macho, c’est l’équitation posée et précise d’un maître du dressage.
Le meilleur créateur de parcours de cross du monde, Mike Etherington-Smith, aime plus que tout se tenir silencieusement dans les coulisses les jours de cross et regarder comment ses parcours sont montés. Et il voit M. Jung pour ce qu’il est vraiment.
« De temps en temps, un véritable athlète apparaît et il/elle possède une qualité rare et exceptionnelle, “la justesse”. Tout à l’air instinctif, fluide, simple, cadencé, et c’est un pur bonheur à regarder. C’est plus que du talent, c’est motivant, inspirant, c’est fait avec beaucoup de classe. Et nous avons la chance de voir tout cela dans la relation qu’a Michael avec ses chevaux et dans la façon qu’ils ont d’agir avec et pour lui. Le regarder monter un cross sur ses différents chevaux est une leçon pour nous tous. Son équilibre, sa façon de monter qui donne l’impression que le parcours est facile et la confiance qu’il a en ses chevaux sont sans égal. »
Qu’est-ce que ça implique pour le créateur du parcours ?
« Les Michael Jung de ce monde rendent les choses assez difficiles pour nous, créateurs de parcours. Comment pouvons-nous tester leurs compétences tout en restant juste pour les chevaux ? Il faut qu’on les force à réfléchir à la façon dont ils vont aborder un parcours, une combinaison ou un enchaînement d’obstacles en particulier, et qu’on les oblige à prendre des décisions fondées sur ce que leurs chevaux leur disent. Il faut aussi qu’on reste conscient qu’il n’y a pas tant que ça de Michael Jung. La conception des parcours de cross a changé au fil du temps afin de s’adapter au nouveau format de concours suite à la suppression des routiers et du steeple-chase tout en restant l’épreuve-test des meilleurs. Lorsqu’on dessine un parcours pour le haut niveau, il faut qu’on propose un test suffisant pour observer les pointures tout en faisant attention à ceux qui enchaînent à ce niveau pour la première fois. Si nous y arrivons, c’est à Michael de répondre. »
Le juge de dressage international Christoph Hess est également un de ceux dont le premier amour est le complet et un fan de « Michi » : « Michael Jung est parfait même dans les plus infimes détails. Il a une monte souple et équilibrée, ses chevaux répondent à ses aides et sont devant lui. Sa façon de les entraîner est parfaitement adaptée au niveau de chaque cheval. »
« Ses chevaux ont confiance car ils peuvent utiliser leur encolure pour s’équilibrer et pour voir les obstacles très tôt, ils savent donc ce qu’ils vont sauter. »
« Michael fait du dressage et du saut d’obstacle à haut niveau, que ce soit à l’entraînement ou en compétition. Tous les week-ends, il sort en concours complet ou de saut d’obstacles au meilleur niveau. Par conséquent, il sait très bien ce qu’il a à faire en concours. Il a appris comment utiliser le stress de façon positive. »
Qu’en pense son ancien entraîneur Christopher Bartle, pourquoi Michael est-il si exceptionnel ?
« Grâce à son sens de la gagne, sa confiance en lui et en ses chevaux. Il n’a pas peur de faire des erreurs, il n’essaie pas d’être prudent. Techniquement, Michael est bien sûr très bon. Mais en plus, il s’intéresse constamment aux détails et veut toujours apprendre plus et monter mieux. C’est le partenaire de rêve pour un entraîneur. Il est entouré d’une grande équipe chez lui mais c’est aussi quelqu’un qui a un très bon esprit d’équipe.»
Toutefois, mon amie Lita Dove a publié qu’il y avait de « bonnes nouvelles pour tous les cavaliers de complet » : Le père et mentor de Michael, Joachim Jung, a déclaré que son fils ne vieillirait pas dans le complet, mais pourrait utiliser son talent exceptionnel (et son œil parfait pour les distances et les foulées) au plus haut niveau du saut d’obstacles. La superstar allemande de l’obstacle, Marcus Ehning en personne, a déclaré en souriant qu’il n’avait vraiment rien à apprendre à Jung. L’ancien entraîneur de Jung en dressage, le reitmeister (écuyer) et membre de l’équipe de dressage allemande, Hubertus Schmidt, explique que le complétiste a un ressenti incroyable en plus d’être talentueux. C’est ainsi qu’après avoir remporté le Rolex Grand Slam en complet et ramassé la dotation de 408 000 €, la famille Jung a renvoyé Sam à la maison et Michael a récupéré quatre autres chevaux pour Wiesbaden. Il semble que les cavaliers de cavaliers de dressage peuvent respirer, du moins pour le moment…
Enquête de Christopher Hector, Traduit de l’Anglais par Anne Burkel-Gibaud
Lire l’article originale ici
Pour en savoir plus sur l’université Bretagne Occidentale https://www.univ-brest.fr/RT