La médiatisation du Complet, vue par Xavier Boudon
Comment a évolué la médiatisation du Concours Complet ces 10 dernières années ?
Le Concours Complet Français a signé son coup d’arrêt à Hong-Kong et nous sommes retombés très loin médiatiquement. Ce n’est de la faute de personne, c’est la faute à « pas de chance », mais malheureusement depuis, nous peinons à remonter la pente ! Nous payons cette absence de visibilité de nos sportifs à tous les niveaux, même s’il reste quelques concours comme Le Grand Complet ou les Etoiles de Pau qui ont su se renouveler. Le fait que les JEM se dérouleront en France sur le site du Haras du Pin y contribue aussi beaucoup.
Nous souffrons également du déficit global de communication de la Fédération sur le thème du sport de haut niveau vers les médias généralistes. La FFE a fait le choix de porter sa stratégie sur les clubs et la démocratisation de la pratique équestre. C’est son choix et il fonctionne puisque l’équitation est le 3ème sport en France en termes de pratiquants. Cela pourrait suffire à soutenir notre sport. Malheureusement il n’y a pas de moteur derrière pour pousser le haut niveau. Le milieu s’autoalimente grâce aux nombreux médias spécialisés et à la presse locale pour certaines régions mais il n’y a pas de travail de fond pour vendre les sports équestres aux autres médias, en dehors de quelques exceptions.
Enfin, il y a eu une absence totale d’opportunisme des institutions pour s’emparer de l’actualité à leur propre compte. Par exemple, récemment est sorti le film Jappeloup qui fait beaucoup parler de l’équitation. Guillaume Canet était l’invité de Stade 2 et les chroniqueurs lui ont fait lire des brèves sportives. A aucun moment, ils n’ont parlé de Patrice Delaveau qui venait de réaliser un exploit à Hong-Kong ce même week-end ! Alors, c’est sûr, son nom n’est pas connu du grand public, mais tant que nous n’aurons pas prononcé son nom à une heure de grande écoute, il ne sera jamais connu ! C’est un cercle vicieux ! Et Guillaume Canet aurait certainement été ravi de parler de saut d’obstacles. Alors pourquoi celui qui a rédigé ces brèves n’a pas glissé cette info ? Soit parce qu’il ne le voulait pas, soit parce que personne ne l’a contacté. Comme la plupart des cavaliers ne disposent pas d’attaché de presse, la FFE reste la seule légitime à contacter de grands médias lors d’exploits sportifs comme celui-ci. Il ne s’agit pas de systématiquement s’appuyer sur elle et d’attendre qu’elle fasse les choses à notre place. Mais sans son appui institutionnel sur le thème du haut niveau, nous perdons en impact et en efficacité. Cela sous-entend d’avoir les bons contacts et de présenter l’info sous le bon angle au bon moment. »
Selon vous, que devraient systématiquement faire les cavaliers pros pour améliorer leur visibilité ?
« Nous appeler ! (rires) Honnêtement, il n’y a pas de miracle : comme dans le business, il faut savoir investir un minimum de temps et d’argent pour avoir des retombées. C’est la même chose pour faire un futur crack : outre le prix d’achat, il faut des années de travail pour l’amener au plus haut niveau. Les cavaliers pro doivent admettre que la communication n’est pas leur métier, car cela demande du temps et des compétences spécifiques. Ils doivent pouvoir se consacrer à leur sport et à la formation de leurs chevaux. Tout comme ils emploient un groom, un cavalier-soigneur, qu’ils payent un vétérinaire, un maréchal, etc. Il faut qu’ils se dotent d’outils de communication professionnels. Cela n’est pas aussi cher qu’on le croit et ça permet d’être crédible lorsque l’on va démarcher un sponsor.
La première étape est d’être identifié et identifiable. Cela signifie d’avoir un logo et des couleurs spécifiques, que l’on peut ensuite reconnaître. Il ne faut pas hésiter à faire appel à un graphiste professionnel pour cela, qui vous établira une charte graphique, que vous pourrez ensuite reprendre pour mettre sur le camion, tout l’équipement du cheval, dans vos écuries, etc. C’est la base, que de plus en plus de cavaliers pros mettent en œuvre.
Ensuite, il faut un vrai dossier de partenariat, qui permette d’aller démarcher les entreprises en étant crédible. 2 500€ HT, c’est environ le prix minimum à payer à un professionnel de la communication pour se doter d’un bon outil de prospection. Tout ça n’empêche pas de continuer à communiquer par des moyens déjà établis. Si le cavalier a une page Facebook, un site Internet ou encore un compte Twitter, il doit s’en servir. Pour que ce soit efficace, il faut tout tenir à jour très régulièrement. Cela permet de valoriser toute l’équipe, les propriétaires, les partenaires, etc. mais aussi d’informer les médias qui pourront relayer l’information. Certains le font déjà : Donatien Schauly, Sébastien Cavaillon, Gwendolen Fer, Jennifer Vuillemin… Les moins de 35 ans sont forcément plus à l’aise avec ça car ce sont des codes propres à leur génération, mais ces outils ne leurs sont pas réservés !
Pour les organisateurs et les journalistes, un cavalier qui joue le jeu et qui arrive à s’exprimer correctement, à mettre des mots sur des sensations, on n’hésite pas à le mettre en avant. C’est le cas de Francis Clément, Mathieu Lemoine, Stanislas de Zuchowicz, Astier Nicolas, Arnaud Boiteau évidemment parmi ceux que nous côtoyons régulièrement. Avec eux, nous savons que nous pouvons faire une interview pédagogique, adaptée à des médias qui je le rappelle ne connaissent souvent que peu de choses en équitation et confondent encore un jockey avec un cavalier. Nous nous dirigeons donc plus spontanément vers eux. C’est également parfois aux cavaliers d’aller vers les journalistes, de faire le premier pas. »
Une visibilité hors médias spécialisés « sports équestres » est-elle possible dans l’avenir ?
« Dans les médias régionaux très certainement ! On ne pense pas toujours à les solliciter et pourtant cela marche très bien. Nous pouvons obtenir assez facilement des pleines pages ou des unes, même pour des compétitions dont le niveau ne nous laisserait pas supposer que ce serait possible. Sur les médias nationaux, c’est possible sur les très gros événements ou sur de grandes échéances. Les JEM sont pour ça une grande opportunité mais il va y avoir une très forte concurrence avec d’autres événements planétaires, notamment le Tour de France ou la Coupe du Monde de Football. Cela ne va pas être simple mais il faut absolument que nous arrivions à intéresser les médias généralistes non sportifs pour relancer la dynamique. Il s’agit surtout de travail relationnel, or il faut plusieurs années pour se faire connaître des journalistes. »
Le mot de la fin ?
« Il faut se serrer les coudes et se structurer ! La communication est souvent perçue comme une dépense inutile, c’est souvent le poste que l’on resserre voire supprime en priorité. Or on se prive à ce moment-là de la valorisation du travail accompli (une performance ou un événement réussis). C’est un investissement nécessaire et qui n’implique pas forcément une dépense exorbitante. Il faut mettre en place une stratégie, des objectifs à atteindre et on rembourse assez facilement son investissement, qui est un investissement sur du moyen/long terme. Je terminerais par une maxime certes facile mais idoine : « Qui veut tâter de l’or ménage ses sponsors. » »
Propos recueillis par Hedwige Favre