Ces chevaux devenus des Formule 1
Mondial du Lion-d’Angers :
Les jeunes chevaux n’ont jamais été aussi compétents. Mais l’honneur revient d’abord aux cavaliers. En quelques décennies, les chevaux de complet ont acquis une compétence grandissante.
« Il y a dix ans, jamais l’un d’entre eux n’aurait pu se soumettre à ce qu’on leur propose au Mondial du Lion », disait récemment Jean-Michel Foucher, le directeur technique de l’épreuve, lors de sa traditionnelle présentation. Un coin de table, hier midi. C’est Thierry Touzaint qui parle, l’ancien entraîneur de l’équipe de France de complet. « C’est très vrai. Mais ce qui a surtout évolué, c’est d’abord le niveau des cavaliers puis, par voie de conséquence, celui des chevaux. »
En plus de la galopade, les hommes doivent désormais maîtriser des gestes techniques de plus en plus précis. « Les parcours sont très surprenants, les courbes, les obstacles en biais, l’étroitesse. Aujourd’hui, les obstacles sont très encadrés. »
Dresser un cheval devient un travail spécifique, dit-il. « Il faut le faire tourner à angle droit. On en vient même à compter des distances sur des courbes à 90 degrés. C’est assez incroyable, tout de même. Peut-être arrive-t-on à la limite du raisonnable. » Il fut un temps où le complet réfléchissait moins. « Cette technicité est maintenant au service de nos animaux. À un moment donné, il fallait les protéger, eux et les cavaliers. » La discipline tuait, était mal considérée. « On jouait beaucoup sur la franchise pure d’un cheval face à de gros, gros obstacles. Le cross, par exemple, n’était sélectif que sur ce point et la galopade. Il fallait diminuer le danger. »
Th. Touzaint : « Ce sont les cavaliers qui font la différence »
De cette période, Andrew Nicholson (médaillé de bronze à Lexington) en sourit et lève les sourcils… « L’objectif était simple : passer à tout prix de l’autre côté de l’obstacle. Je n’ai pas oublié cela… » Quel qu’en fut le prix. Le Néo-Zélandais, 49 ans, qui a tout vécu, a vu sa discipline progresser très vite. « Le dressage, le cross… C’est devenu très technique. Les cavaliers s’entraînent, sont plus au fait de la chose vétérinaire, ont une meilleure vision tactique d’un parcours et ne laissent plus rien au hasard. Les chevaux suivent et ça ne va pas s’arrêter. Car l’élevage continue. Finalement, le plus difficile dans l’histoire de cette progression, c’est pour les chefs de piste qui dessinent les parcours ! »
Thierry Touzaint n’a pas pris de café. « Désormais, la différence entre deux équipes se fait sur la grandeur des cavaliers, je veux dire sur leur compétence. Elle est là, la clé. » Pour la première fois depuis de nombreuses années, il a scruté les Jeux Mondiaux de Lexington derrière son petit écran. « J’ai vu des cavaliers de certains pays qui sont passés à travers les mailles des qualifications, je ne sais pas comment, et qui ont, je pense, desservi le complet. » Il dit, sans sourciller : « L’importance du cavalier est telle, pour moi, que je ne pense pas qu’il faille emmener tout le monde sur des concours 4 étoiles. »
L’expérience s’acquiert à des niveaux moindres. « On n’est pas là pour faire plaisir aux gens. On n’a pas le droit de donner une mauvaise image du complet. Pour faire Badminton, il faut être prêt techniquement. »
Le complet est-il aujourd’hui à la limite de ce qu’il peut attendre de ses cavaliers et ses chevaux ? « Il faut en tous les cas continuer de respecter l’intégrité physique des couples, car abîmer un cheval est catastrophique. L’image du complet est belle comme elle est désormais. »
Texte de Mathieu COUREAU (journaliste à Ouest-France).
Ce papier est passé dans l’édition du Maine et Loire de jeudi, où le grand quotidien français consacre une large place à l’événement. Le Mondial du Lion d’Angers à suivre également sur le site du concours : www.mondialdulion.com