Emmanuel Quittet : « Déjà prêt pour l’an prochain »
Le sélectionneur de l’équipe de France Poney a de quoi être satisfait de son année : trois classés dans le CCIP* de Marbach, deux médailles dans le CCIP** de San Lazzaro, trois médailles aux Championnats d’Europe à Arezzo, trois
classés dans le CCIP* du Haras du Pin le mois dernier… Mais Emmanuel Quittet n’est pas homme à se reposer sur ses lauriers ! Il nous a accordé une longue interview, que nous séparerons en deux parties : aujourd’hui nous faisons le point avec lui sur la situation du Complet poney en France et nous reviendrons avec lui demain sur « sa vie, son œuvre ».
Revenons sur les trois médailles obtenues à Arezzo, vous attendiez-vous à un aussi bon résultat ?
« Je savais qu’on pouvait être compétitif mais on était cette année plutôt sur un renouvellement des couples. Je travaille toujours avec un ou deux coups d’avance, mais là c’était une équipe nouvelle, que je voulais surtout préparer pour l’année prochaine. Par exemple la petite Marine Bolleret qui termine avec l’argent, je savais qu’elle allait être bien et on a tout fait pour cela, mais je la voyais plutôt médaillée l’an prochain. Donc tant mieux, cela promet de belles choses pour 2014 ! »
Pour la première fois, un CCIP* était organisé au Haras du Pin pendant le Grand Complet. Quels étaient les objectifs de cette compétition ?
« Cet international remplace le Grand Prix poney habituellement organisé en septembre au Haras du Pin, mais qui ne peut avoir lieu depuis l’an dernier à cause des JEM. Finalement, c’est une bonne chose car cela me permet de prendre un peu d’avance dans mon programme. J’ai ainsi pu faire débuter une dizaine de jeunes, tandis que d’autres avaient plutôt pour objectif de confirmer leurs bonnes performances. Il y a un autre Grand Prix poney en septembre, mais cette fois en région parisienne, ce qui est plus pratique pour beaucoup de cavaliers. D’habitude j’ai toujours du mal à boucler une longue liste en octobre alors que cette année, grâce à ce CCIP, je suis confortable. »
Quelles bonnes surprises avez-vous eu dans cette compétition internationale ?
« Les deux cavalières que j’avais mis remplaçantes cette année aux Europe, Manon Faucheur et Heloise Le Guern, qui confirment en terminant 2ème et 8ème de l’épreuve. Et puis il y a une dizaine de cavaliers qui n’avaient encore jamais couru de Grand Prix et qui se sont très bien tirés de ce difficile CCIP. En fait je ne pensais pas que ce serait aussi dur et j’ai eu quelques doutes quand j’ai vu le parcours. Mais ils ont répondu présent malgré les conditions difficiles et le stress. »
Comment parvenez-vous à détecter de nouveaux cavaliers ?
« Sur les tournées des as, je ne regarde pas que les Grand Prix, mais aussi les épreuves inférieures. Ceux que je ne connais pas et que je trouve intéressant, je les convie en stage en fin d’année. »
Comment évolue le Complet poney en France ces dernières années ?
« C’est assez stable en fait. Il y avait eu une petite baisse de couples il y a 3 ou 4 ans, mais là ça repart. Il faut dire qu’on travaille sur un réservoir très éphémère. On parle de cavaliers entre 14 et 16 ans en international, même s’ils peuvent commencer à être performants en Grand Prix plus jeunes. Pour avoir une bonne équipe, il me faut un réservoir de 7 ou 8 couples performants, ce qui est beaucoup. Mais cette année, je n’ai jamais été aussi serein… Enfin je ne veux pas me porter la poisse ! »
Et en ce qui concerne l’élevage ? Y a-t-il suffisamment d’éleveurs de poneys en France ?
« Pour l’instant la filière est encore en construction. Déjà à Pompadour pendant la Grande Semaine, il y a de plus en plus de jeunes et bons poneys qui viennent se former sur la finale. Après, il y a toujours des poneys dont la naissance ne les prédisposait pas à se retrouver là. Ce fut par exemple le cas de Djaipur (13ème à Arezzo) : c’est en fait un cheval Arabe qui, par sa petite taille, court finalement dans la catégorie poney. Mais un bon poney ne suffit pas, il faut aussi un bon pilote. Le cas de Mon Nantano de Florys est assez symptomatique : il a tout gagné sous la selle de Chloé Deschamps et de Luce Bentéjac, mais depuis il n’a plus vraiment eu de résultats significatifs. »
Combien coûte un poney de Complet à ce niveau-là ?
« A la vente, s’il est très performant, cela peut dépasser 30 000€. Mais généralement les poneys sont plutôt en location, puisque les enfants ne les gardent qu’un ou deux ans. Ainsi, une saison avec un poney de Grand Prix coûte entre 10 000 et 20 000€ de location. Mais tous les poneys ne sont pas dans ce système là. Par exemple Perle du Boisdelanoue, que monte Marine Bolleret : personne n’aurait misé un kopek l’an dernier sur cette ponette. Marine n’a payé toute l’année qu’une pension classique. Personnellement, j’évite de me mêler des histoires d’argent. Quand je vois un bon cavalier, j’essaye de l’équiper, mais cela ne dépend pas que de moi. »
Qu’est-ce qui est le plus compliqué à gérer en tant que sélectionneur poney ?
« Parfois, je vois un coach ou des parents qui ne veulent pas faire pareil que tout le monde. C’est ce qui nuit le plus à une bonne équipe. Quand tout fonctionne, on n’est jamais sûr d’avoir une médaille, mais quand tout ne fonctionne pas, on peut être sûr de ne pas en avoir ! Je parle d’expérience : en 21 ans à ce poste, je n’ai jamais pris de médaille quand il y avait des dissensions au sein du groupe. »
Propos recueillis par Hedwige Favre