L’élevage de Soulac : l’élevage au naturel!

Élevage
Cet article a été publié le : 14 novembre 2011 à 10h27
L’élevage de Soulac : l’élevage au naturel!


Narcos de Soulac, le meilleur représentant de l’élevage, sous la selle de Cédric Lyard

L’élevage de Soulac, situé près de Bordeaux, a été élu meilleur élevage de chevaux de Complet Français en 2010 dans le classement de L’Eperon. Et pourtant, il a un fonctionnement plutôt atypique… Cécile Marin s’occupe avec son mari Jean-Philippe de la gestion d’un des rares (si ce n’est l’unique!) élevages extensifs de chevaux de sport en France, créé près d’un siècle plus tôt par le père de Jean-Philippe.

Mme Marin, comment fonctionne votre élevage exactement?

« Nos étalons sont mis en présence d’un troupeau de juments de fin avril à fin août, puis on les retire et les poulains naissent l’année suivante. Nous pratiquons donc la monte naturelle avec des étalons que nous avons achetés. Nous avons la chance d’avoir beaucoup d’espace consacré à l’élevage (environ 500 hectares!) ce qui nous permet de constituer plusieurs lots de juments (environ 15/étalon) en fonction de ce que l’on recherche, comme dans un élevage classique où l’on choisit un étalon pour sa jument. Bien sûr, nous sommes vigilants de ne pas mettre de filles de tel ou tel étalon dans le même pré pour éviter tout risque de consanguinité. »

Et les poulains naissent dehors ou dans un box?

« Les juments restent au pré même pendant la mise bas, par contre nous les rapprochons de chez nous pour pouvoir les surveiller. Avec l’habitude, nous arrivons à savoir à un jour près quand est-ce qu’elles vont pouliner. Grâce à cette méthode, nous rencontrons très peu d’accidents car la jument a beaucoup plus de place que dans un box. L’an dernier, sur un total de 15 naissances, nous avons déploré la perte d’un poulain, mais c’est très peu par rapport à certains éleveurs classiques. Et depuis 10 ans que je suis là, nous n’avons jamais perdu de jument! Il faut savoir qu’une poulinière a besoin d’être musclée pour mettre bas. Le fait qu’elle reste dehors jusqu’au bout lui permet de garder la condition physique nécessaire. Après, chacun voit midi à sa porte et je ne dis pas que l’élevage classique n’est pas bon! D’ailleurs, n’importe quelle jument n’est pas capable de pouliner de cette façon. Les souches de notre jumenterie sont sélectionnées depuis des années afin qu’elles soient adaptées à cette méthode. »

Et après la naissance, que deviennent les poulains?

« Ils sont sevrés à 6 mois, comme dans un élevage classique, puis laissés en troupeau jusqu’à l’âge de 3 ans. Ils sont surveillés, vermifugés, complémentés et soignés, bien entendu. On laisse faire la nature, mais sous surveillance! A 3 ans, nous les rentrons et les cavaliers de la maison s’occupent du débourrage et de la valorisation, puis nous les vendons. Depuis 4 ans, nous confions quelques chevaux à Cédric Lyard, qui n’habite pas très loin de chez nous. En plus de Narcos, il a actuellement 2 jeunes au travail : Ratina et Samourai de Soulac. Ce ne sont pas forcément les meilleurs, ce sont ceux qu’il a choisi car il s’entendait bien avec! »

Combien de juments et d’étalons possédez-vous?

« Nous avons une bonne soixantaine de juments, 3 étalons chevaux (Gaiac de la Roque par Reve d’Elle, Espoir de Milhac par Double Espoir et Darlon Van Dijkershof par Toulon), 2 étalons poneys. Cette année, nous allons essayer aussi avec Phénomène de Soulac, un fils de Gaiac pie que Cédric Lyard avait monté jusqu’à 7 ans. Notre plus vieil étalon est Gaiac, le père de Narcos, Nabeul, Ouragan et Quatar de Soulac. A 17 ans, il pourra saillir encore 2 années certainement, puis il passera une retraite heureuse à la maison. »

Nabeul de Soulac et Julie Jalaguier à Sandillon

Quels sont les atouts et les inconvénients de cette méthode?

« Il y a surtout des avantages en fait… D’une part, on ne force pas la nature! Il arrive qu’une jument ne prenne pas une année, mais nous n’avons pas encore eu de jument qui ne prenait jamais. D’un point de vue économique, nous sommes aussi gagnants car le coût d’achat d’un étalon est vite compensé par les économies réalisées sur le prix des saillies, les frais vétérinaires et les frais de transport liés à l’insémination… De plus, nous avons un taux de remplissage très correct (environ 60% des juments sont pleines). Le seul inconvénient, c’est que nos étalons ne peuvent pas avoir de carrière sportive en vivant 4 mois de l’année au pré, ils ne sont donc pas connus. Par contre, ils ont tous une très bonne génétique et les qualités naturelles d’un cheval de sport. Par exemple, le dernier arrivé, Darlon, est le premier fils de Toulon agréé en France. »

Quels sont les particularités des chevaux issus de votre élevage?

« Mon mari est particulièrement fier d’avoir obtenu le modèle qu’il recherchait, c’est à dire des chevaux alliant un bon déplacement, de l’endurance et de nombreux points de force. Les chevaux de Soulac sont particulièrement adaptés au Concours Complet, mais certains sont aussi achetés pour le CSO. Nous avons aussi un élevage de poneys de sport D (entre 139 et 149cm), lui aussi orienté CCE. En 1995, quatre poneys présents aux Championnats d’Europe étaient issus de notre élevage. En moyenne, nous vendons surtout à des amateurs (environ 80% de la production), très peu pour des clubs. Beaucoup partent à l’étranger… Trop malheureusement car nous souhaiterions que les bons restent en France! »

Vous avez aussi un centre équestre, le Centre Hippique de Bordeaux Lac : votre cavalerie est-elle constituée des chevaux de votre élevage?

« Oui, nous avons un club qui compte environ 350 licenciés et qui tourne essentiellement avec des juments et poneys de l’élevage. Par contre, les shetlands et poneys B et C ont été achetés puisqu’on ne produit que des poneys D. »

Propos recueillis par Hedwige Favre