Nicolas Touzaint, l’archange né dans la paille
C’est une nouvelle séquence nostalgie. En s’endormant tous les soirs en effeuillant, à la veille du 25e anniversaire du Mondial du Lion-d’Angers (21 – 24 octobre), le livre « Une passion à partager », on replonge dans le bonheur. Pardon de remonter ainsi le temps, mais comment ne pas vous faire partager ces quelques textes rafraîchissants. La traduction que le complet génère de belles tranches de vite, un sport où l’on conjugue toujours le passé au présent. Pour preuve ce texte de Mathieu Coureau, l’un de mes anciens jeunes confrères à Ouest-France. Il nous disait en 2005 Nicolas Touzaint.
G. F.
Ce jour là, le petit Nicolas goûta une nouvelle fois le sable des allées du haras de la Poissardière. Du sable dur, su lequel tambourinaient à longueur de journées les sabots de chevaux purs au sang chaud. Il chuta lourdement de Buck, le poney tout terrain que lui confièrent ses parents, Jean-Yves et Florence.
On imagine, à ce moment précis, papa et maman détourner le regard, minés mais faisant mine de ne pas l’avoir vu et vaquer à leur tâche. Mais que voulez-vous, les chevaux des Touzaint ne pas montés sur roulettes et, de là-haut, quand on est haut comme trois pommes, le vent souffle fort, on dandine sévère et on tombe. « On tombe de peur, dit Nicolas. Je n’étais pas très courageux ni aguerri. Et, à chaque chute, j’arrêtais tout. »
Il filait dare-dare dans le placard de sa chambre, prenait sa raquette et préférait taper les balles sur le court de Saint-Clément de La-Place. Ou laçait ses chaussures à crampons et rejoignait la pelouse de Bécon-Les-Granits, c’était selon.
Sauf que ce jour là, allez savoir pourquoi, Buck vit Nicolas se relever la bouille sale, mais arborant un large sourire ? « C’était la première fois, dit-il. J’avais pris confiance. » Il s’était alors, sans le savoir, mis en selle pour la vie.
Il embraya sa carrière cœur au plancher, se fit les dents sur les concours d’hiver, pour commencer. Il dit : « J’avais de suite été passionné par la compétition. » Il avait tout à disposition, le jeune Nicolas : des chevaux, des structures, des parents attentionnés, de l’amour. Il lâcha d’abord le foot et son poste d’avant-centre de Bécon, se vit confier, à l’âge de 16 ans, un vieux cheval nommé Royal Dézéda; récupéra une bonne propriétaire en la personne de Madame Monique Girard-Claudon. « Une fois le bac comptabilité-gestion en poche, j’ai arrêté l’école pour me consacrer à 100% à la compétition. » Il se savait privilégié et exempté des soucis qui rongent les propriétaires de haras.
Sa photo sur des cartes de voeux
Et puis, il y eut toujours en filigrane cette adoration pour le Mondial du Lion d’Angers et l’idée, un jour, d’y participer. Il dit : « Cette épreuve me donnait envie de faire du complet. Le Mondial du Lion, c’était mythique pour moi. » Il y parvint à l’âge de 19 ans, sur Egoïste II. Bilan ? Huitième. Vinrent les Jeux Olympiques de Sydney et, déjà, l’ascension était fulgurante. Bilan ? « Pas terrible, sauf pour la confiance. » Il ajoute. « Je devais encore progresser dans la pratique de mon sport, dans l’entraînement et la connaissance des chevaux. » Il fit ses gammes entre le haras paternel et le pôle France à l’Ecole Nationale d’Equitation, à Saumur.
Enfin, après avoir bossé très dur, Nicolas décrocha son premier vrai trophée, lors de sa seconde participation au Mondial du Lion-d’Angers sur Galan de Sauvagère (2000), un cheval de légende, d’exception. Suivront cinq autres succès avec le même partenaire en 2001, puis Hidalgo de L’Ille (2002), Joker d’Helbvy (2003 et 2004), Tatchou en 2005. 2003 où, pour la première fois de sa carrière, il fut aussi champion d’Europe en septembre à Punchestown (Iralnde).
Que se passa-t-il depuis sa dernière victoire au Lion-d’Angers ? Il gagna le surnom d’archange aux Jeux olympiques d’Athènes. Une médaille d’or par équipe. La bise de Jacques Chirac. La Légion d’honneur. Sa photo sur des cartes de vœux. Les galons de chouchou du public. Des coups de téléphone à tout va. Un peu de sous.
Aujourd’hui, après d’autres succès à la pelle, comme cette victoire légendaire à Badminton, il est heureux d’avoir poussé tranquillement dans la paille de la Poissardière, de ne jamais avoir subi de pressions familiales. « Je suis juste fier de m’être fait un prénom dans ce milieu. Mais, j’ai encore beaucoup de choses à accomplir, à vivre. » C’est ce qu’il dit. On le croit. Merci Buck. Merci la vie. Grâce à eux, Nicolas vit et devient.
Mathieu COUREAU