Portrait d’un homme de cheval : Damien Morille

Portrait
Cet article a été publié le : 28 mai 2012 à 8h22
Portrait d’un homme de cheval : Damien Morille


Les écuries du Porto vue du ciel
Damien Morille n’est pas un cavalier de Complet et pourtant, il a bien sa place sur notre site. Nous nous sommes intéressés à ce personnage suite à un mail envoyé par Benoît Pierre, cavalier amateur, qui disait ceci : « Je vous écris de manière audacieuse dans le but de faire connaître un homme de cheval, qui mériterait amplement, selon moi, un coup de projecteur pour son activité sur votre site. Il s’agit de Damien MORILLE, gérant de l’EARL du Porto, située à 30 mn de Saumur. Ce travailleur acharné fait partie des rares personnes faisant encore lien entre le monde des courses hippique (trot, obstacles) et celui du concours complet.
Après avoir été le plus jeune soigneur chef d’écurie de l’ENE; ce fut l’un des hommes de l’ombre de nombreux grands cavaliers de concours complet (Jean Jacques Boisson, Jean Teulère…) et aujourd’hui également de grands entraîneurs de course (Pascal Adda, Macaire…). Sa réputation pour ses soins prodigués aux chevaux (notamment les réparations tendineuses), sa capacité à transformer les chevaux difficiles, tout comme son intégrité et cette préoccupation permanente du sain physique du cheval l’ont rendu apprécié des plus grands de ces deux milieux auparavant si proches. »
Évidemment intrigués, nous sommes donc entrés en contact avec cette personne dont le nom est inconnu au grand public mais qui est pourtant hautement recommandé par une majeure partie des cavaliers professionnels.

Tout d’abord, quelle est votre expérience en Concours Complet ?

« J’ai été soigneur pendant 10 ans à l’Ecole Nationale d’Equitation auprès de Jean-Jacques Boisson, qui revenait alors tout juste des Jeux de Barcelone en 1992 avec Oscar de la Loge. Cela a été une expérience très forte car Jean-Jacques a un vrai sens du cheval et est très pointu et doué autant à cheval que pour les soins. Outre Jean-Jacques, j’ai eu aussi l’occasion de groomer Débat d’Estruval*Mili pour Didier Courrèges, Crocus Jacob*ENE HN pour Jean-Luc Force ou encore Echo Hill*Mili pour Jean-Pierre Blanco. Par la suite, j’ai décidé de quitter l’Ecole pour reprendre l’écurie familiale. Comme je suis parti en très bons termes, je continue à m’occuper de certains chevaux de l’Ecole (je travaille beaucoup avec Xavier Goupil par exemple, en prenant les chevaux en convalescence chez moi). J’ai aussi groomé des cavaliers handisport aux Jeux d’Athènes et de Pékin, les cavaliers Qataris avec Jean Flotte lors des Jeux asiatiques, etc. Et régulièrement, j’accueille chez moi des chevaux de Complet qui sont arrêtés. Ainsi, Jean-Marc Favereau, Jean Teulère, Gilles Pons ou encore Maxime Livio mettent parfois des chevaux en pension chez moi. »

Quels sont vos activités actuellement ?

« Je suis revenu aux sources il y a quelques années, qui sont pour moi le monde des courses. Je gère avec mon frère une écurie qui accueille entre 40 et 60 chevaux par an. Je m’occupe de la partie entraînement et des soins spécifiques, tandis que mon frère s’occupe de l’élevage du Porto. Mais je n’ai pas vraiment décroché du Concours Complet avec, comme je l’ai dit précédemment, tous les chevaux qui viennent en convalescence chez moi. »

Avez-vous une méthode particulièrement pour soigner les blessures tendineuses ?

« En fait, je m’inspire beaucoup du monde des courses, en particulier dans le trot, où les soins sont beaucoup plus pointus que dans le Complet. D’ailleurs, je conseille vivement à un jeune qui souhaite devenir soigneur d’aller travailler dans les courses de trot, car c’est vraiment le summum en matière de soins et de ferrures. Mais pour les soins des tendons, c’est une méthode qui se transmet de bouche à oreille, un genre de secret de famille que je ne dévoilerai pas ici ! »

Que font-ils en courses qu’on ne fait pas en Complet, par exemple ?

« Selon moi, le Complet a 10 ans de retard par rapport à ce qu’il se fait en course, par exemple pour la ferrure. Un cheval de haut niveau devrait ainsi avoir des fers beaucoup plus légers et changés beaucoup plus souvent. Les produits qu’on utilise en courses ne sont pas les mêmes non plus qu’en sports équestres et pourtant ils ne sont pas dopants. Après, je considère que chaque discipline a beaucoup de choses à apprendre des autres. Ainsi, en courses, les chevaux n’étaient travaillés il y a encore quelques années uniquement sur le foncier, ils ne s’occupaient pas du tout de la musculature du dos du cheval. Pourtant, un cheval reste un cheval : qu’il soit destiné à la course ou aux sports équestres, il a les mêmes os, les mêmes muscles, etc. Je pense que c’est en partie grâce à Amélie Billard, cavalière de Complet International qui s’est reconvertie dans les courses, qui a amorcé le changement. L’avantage est que les gens sont beaucoup plus ouverts dans les courses et que si une méthode fait ses preuves, ils n’hésitent pas à l’adopter. Par exemple avant, les trotteurs avaient toujours un enrênement pour leur garder la tête en l’air, afin qu’ils ne perdent pas l’équilibre à grande vitesse, mais maintenant, la plupart sont entraînés au quotidien avec un enrênement pour leur placer la tête en bas, afin de leur muscler le dos. »

Propos recueillis par Hedwige Favre